La Broc de Gil

 

Akrapovic les pro du pot

23/10/13



Akrapovic, une success story slovène

Texte : David de Mars | Photos : Constructeur
En 20 années d'existence, la marque Akrapovic s'est non seulement fabriqué une solide réputation en termes de qualité, mais elle a également réussi à s'imposer en tant que référence auprès de nombreux constructeurs engagés en compétition. Ses systèmes d'échappements sont tellement optimisés qu'un constructeur - dont nous sommes tenus de taire le nom - les utilise sur ses... Formule 1 ! Une rencontre avec le fondateur de la marque, Igor Akrapovic, ainsi qu'une visite du site de production permet de mieux comprendre pourquoi.

Nous sommes en Slovénie, à quelques encâblures de la capitale Ljubljana, et plus précisément à Ivancna Gorica, une petite province perdue au milieu de la campagne. Et alors que nous arrivons devant des bâtiments ultra modernes, rien n'indique qu'ici sont fabriqués les échappements les plus performants au monde. « C'est une volonté du patron », nous explique Peter Oresic du service marketing. « Ainsi, personne ne vient sonner à la porte pour demander qu'on lui vende un pot d'échappement. Ici, on ne vend pas », poursuit-il, « on conçoit, on fabrique, on teste, on expérimente, on améliore, on cherche à fabriquer les meilleurs produits possibles... »

Perfectionnisme

Le logo de la marque, récemment modifié, n'est donc que très discrètement apposé, uniquement sur la cahute du poste de sécurité. À l'intérieur de la cour, sur ce qui était il y a quelques semaines encore un parking, trône une immense tente en plastique. « C'est ici que nous stockons provisoirement la matière première (essentiellement des bobines de feuille de titane, mais aussi la caisse qui contient une Suzuki RGV de MotoGP...) en attendant que les nouveaux locaux soient terminés. Nous nous développons très vite » poursuit Peter... C'est un fait, en moins de 20 années, l'entreprise est passée du statut de parfaite inconnue à celui de référence mondiale et aujourd'hui, sa croissance est fulgurante. À ses commandes, Igor Akrapovic nous explique qu'il n'y a guère autres secrets que la persévérance et le perfectionnisme... L'aventure commence en 1990. Igor, passionné de vitesse et lui-même pilote de course, expérimente différentes solutions pour ses échappements au fur et à mesure qu'il participe à des épreuves ou qu'il procède aux réglages de sa machine.

Mieux qu'un échappement « usine » !

Igor s'étonne alors de l'absence d'un fabricant d'échappements capable de fournir à la fois des solutions « grand public » et haut de gamme, soit des échappements aptes à répondre à des conditions de fonctionnement extrêmes. Selon lui, les solutions alors disponibles ne sont pas d'assez bonne qualité, voire antiperformantes, avec par exemple des collecteurs composés de simples tubes d'acier ou d'inox très épais et soudés entre eux de façon basique. Il trouve même qu'à l'époque, c'est un exploit si un pot d'échappement adaptable s'adapte ! Quant aux échappements de qualité, ils sont alors financièrement inaccessibles pour le commun des motards... Il ne reste alors à Igor qu'une seule solution : fabriquer ses propres échappements. Ce qu'il fait donc aussi bien pour lui que pour des teams privés et déjà, ses pots montrent des qualités que les autres ne possèdent pas, ce qui n'est évidemment pas sans attirer l'attention.

C'est ainsi qu'en 1993, Kawasaki Allemagne répond positivement à l'invitation qui lui est faite de venir tester une ligne Akrapovic. Le résultat est sans appel puisque cette ligne - qui n'a pas été spécifiquement développée pour cette moto - donne de meilleurs résultats que celle développée par l'usine... Nous sommes au début d'une longue coopération avec des teams engagés en Championnat Pro Superbike : Kawasaki, mais aussi Honda, Suzuki, Yamaha, Ducati. L'année suivante, Akrapovic débarque en Mondial SBK... En 1997, c'est la première victoire en Mondial SBK avec le Japonais Akira Yanagawa sur Kawasaki. C'est aussi l'année où la marque doit changer de nom. Jusqu'alors connue sous le nom de Skorpion (avec un K), cela pose problème à cause de sa similitude avec d'autres marques déposées. Et c'est dommage car “Skorpion” commence à être unaniment reconnue et appréciée dans le milieu motard. Au départ, la décision de changer pour Akrapovic semble risquée, mais l'avenir montre que ce fût la bonne décision.

Gomme spéciale et clim' !

Une si bonne décision que la marque commence à grandir, de plus en plus vite. Si vite qu'il faut dans un premier temps migrer d'un atelier de fabrication vers une véritable usine. Car en moins de 10 ans (nous sommes alors en 1999), la marque acquiert une notoriété mondiale et l'atelier de 450 m² devient vite trop étroit pour répondre à toutes les demandes. L'entreprise déménage dans des locaux qui peuvent paraître luxueux avec leurs 3 000 m². Dans le même temps, l'entrepôt de stockage situé en Allemagne est rapatrié au siège de l'usine slovène. En 2000, chaque team usine japonais engagé en SBK utilise les pots Akrapovic. C'est l'année du premier titre mondial pour le constructeur, obtenu par Colin Edwards au guidon de sa Honda VTR SP1. La même année, Akrapovic est titré en championnat 600 Supersport avec Yamaha et Joerg Teuchert. Le succès ne s'arrête pas là puisque Akrapovic écrit son nom sur les tablettes du Championnat Américain AMA de Superbike ainsi que sur celles de tous les Championnats SBK du Japon. C'est alors au tour de l'usine Aprilia de faire confiance aux échappements slovènes.

En 2002, la marque débarque en MotoGP, ce qui a pour effet de la surmotiver. Le développement prend alors une place dominante, les procédés de fabrications sont en permanence revus et des sommes colossales sont investies afin de moderniser les outils de production. L'informatique et la conception en 3D ont bien sûr une place prépondérante au sein du département R&D, mais aussi dans la programmation des outils de production et, naturellement, au niveau des essais sur banc de puissance. Deux bancs ultra-modernes (auto et moto) sont aujourd'hui en fonctionnement. On y mesure le plus de données possibles, jusqu'à la température des pneumatiques. D'ailleurs, les pneumatiques utilisés pour ces essais au banc sont spécialement fabriqués pour Akrapovic et réalisés dans une gomme dure car une gomme tendre consomme de la puissance et fausse les mesures. Les salles de ces bancs d'essai sont climatisés, on y contrôle l'hygrométrie dans le seul et unique but de reproduire des conditions d'essais strictement identiques entre chaque série de test. Un tel acharnement à vouloir atteindre la perfection frôle la pathologie... Mais c'est le prix à payer pour atteindre le plus haut niveau, comme celui d'équiper une écurie de Formule 1, ce qui est le cas depuis 2004.

3D et dalle antisismique

Pour en arriver là, il a fallu investir et investir encore, que ce soit dans des outils de production, de conception ou de métrologie. Sur ce dernier chapitre, il faut par exemple savoir que certains appareils de mesure du laboratoire sont montés sur une dalle antisismique, de sorte que la moindre vibration extérieure ne vienne perturber la prise de mesures. De même, la marque dispose d'un scanner en trois dimensions qui permet de modéliser mathématiquement les dimensions de chaque véhicule qui arrive à l'usine pour le prototypage d'un échappement. Imaginez la taille de la base de données correspondante, ainsi que sa valeur et son utilité. On peut aussi parler de l'imprimante 3D qui permet d'élaborer des pièces en plastique destinées à “valider” les formes des pièces finales en titane ou en inox après prototypage ou encore évoquer les tests de corrosion, les tests de soudure entre pièces fines et plus épaisses, l'analyse microscopique de la structure des soudures ou le passage au spectromètre qui permet de définir la composition chimique de chaque élément mis en jeu...

Toujours dans cet esprit de quête de la perfection, chaque bobine de titane qui arrive à l'usine subit une batterie de tests afin d'assurer la qualité du produit fini : découpe longitudinale, latérale, diagonale, mais aussi tests de torsion, de flexion ou d'arrachage. La marque utilise sept qualités différentes de titane en fonction des températures de l'échappement et de son environnement, et achète chaque année près de 180 tonnes de ce matériau, ce qui fait d'elle le troisième acheteur en Europe. On comprend alors mieux pourquoi la marque a investi en 2009 dans une fonderie ultra moderne qui permet, à partir de chutes de titane, de fabriquer des éléments tels que des corps de valve d'échappements, des repose-pieds, ou toute autre pièce ou forme qu'autorisent les procédés de fonderie. Ce département est l'un des plus protégés de l'usine, car les procédés utilisés sont non seulement ultra-perfectionnés, mais aussi ultra secrets : il n'y a que deux fonderies de ce type au monde, et elle coûtent, vous vous en doutez, une petite fortune. Mais l'investissement sera rentable à terme car le champ des applications possibles est de l'ordre de l'infini. Ne serait-ce que dans le domaine médical : vous pourriez ainsi par exemple très bien un jour vous faire poser une prothèse de genou en titane de marque Akrapovic...

Du carbone dans le frigo !

Nous sommes à présent sur le second site de production, là où est également entreposé une partie du stock et l'atelier des expéditions (concernant la moto, Akrapovic est aujourd'hui présent dans 60 pays). Ici, on façonne les pièces en carbone, que ce soit des enveloppes de silencieux d'échappement, des protections de platines de reposes-pieds ou des carénages complets. Akrapovic utilise aujourd'hui principalement deux procédés de fabrication. Il y a tout d'abord le carbone composé de fibres tissées (une par une ou deux par deux) auquel on va ajouter deux types de résines différentes suivant les besoins de tenue en température des éléments. Par exemple, on utilise de la résine époxy transparente pour les températures allant jusqu'à 150 °C, ou de la résine cyanate ester pour les températures avoisinant les 400 degrés. Notez par ailleurs que des tests et développements sont actuellement en cours concernant l'utilisation de résines céramiques - dont les propriétés permettent de résister jusqu'à 1 400 degrés - pour fabriquer des tubes d'échappement. Oui, vous avez bien lu, votre collecteur “4 en 1” sera peut-être bientôt lui aussi entièrement en carbone...

D'ici là, intéressons-nous au second procédé de fabrication du carbone, celui qui utilise du carbone pré-imprégné de résine, carbone qui est par la suite “cuit” dans un four autoclave. Mais ce même carbone pré-imprégné peut aussi être recouvert d'une seconde résine puis être cuit dans un four classique, de même qu'il peut aussi être “pressé” pour sêcher ensuite naturellement. Ce carbone imprégné doit tout d'abord être stocké dans de grands congélateurs (où il fait effectivement en permanence – 18 °C) sans quoi il commence naturellement à cuire. Puis, direction la coupe sur une machine commandée via un célèbre logiciel de dessin. Une fois les morceaux de tissu découpés, ils vont être placés dans des moules (eux aussi en carbone, comble du raffinenement) puis placés dans des poches dans lesquelles on crée un vide d'air afin d'éviter la moindre bulle durant la cuisson. Le tout est alors placé dans le four autoclave sous une pression de 5 bars et cuit pendant 1 h 30 à une température de 120°. Certains moules, comme ceux nécessaires à la réalisation des carénages de la récente BMW S 1000 RR, sont quant à eux conçus en aluminium. A titre indicatif, le moule en alu pour un demi bas de carénage coûte la “modique” somme de... 10 000 € !

 

Conclusion
Durant notre visite, le moins que l'on puisse dire est que tout, absolument tout, nous a impressionné. Du big boss qui sait exactement combien de personnes il emploie (ce n'est pas “environ 500” mais “précisément 506”) à la sérénité et même à la fierté qu'affichent ces employés à l'ouvrage, en passant par les technologies les plus modernes utilisées, la réactivité des différents services, l'acharnement à toujours fournir le meilleur et, bien sûr, la beauté et la technicité des produits finis (c'est qu'il faut voir de près une ligne complète destinée à une Lamborghini Gallardo...). Tout cela explique sans peine pourquoi Akrapovic est aujourd'hui à ce point connu et reconnu comme étant LE meilleur fabricant d'échappement au monde.

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